Mille colombes

Henry David Thoreau

 

 

thoreau cabane

 

 

Henry David Thoreau (1817-1862)

 

 

 

Si l’on devait établir une liste d’écrivains pacifistes, Léon Tolstoï y figurerait sans doute en bonne place. Quant au concept de non-violence, il nous fait immanquablement penser à la marche pour le sel du Mahatma Mohandas Gandhi et à la lutte pour les droits civiques menée par Martin Luther king.

Mais connaissez-vous le dénominateur commun qui relie ces trois grands hommes ?

Tous trois ont puisé leur inspiration dans les écrits d’un penseur américain du 19e siècle : Henry David Thoreau.

 

Tel est en effet le nom sous lequel David Henry Thoreau (1817-1862) est passé à la postérité, après s’être octroyé la liberté d’inverser l’ordre de ses prénoms.

Henry David Thoreau est à la fois poète, philosophe, et naturaliste. Il naît le 12 juillet 1817 dans la petite ville de Concord (Massachusetts) où ses parents fonderont un peu plus tard une fabrique de crayons. À l’école, il suit un enseignement dans lequel les langues occupent une place privilégiée, puisqu’il apprend non seulement le latin et le grec, mais aussi plusieurs langues vivantes (français, italien, allemand, espagnol).

C’est à l’université d’Harvard, où il étudie des spécialités aussi diverses que la rhétorique, la philosophie, les sciences et le Nouveau Testament, qu’il se lie d’amitié avec Ralph Waldo Emerson (1803-1882). Il y rencontre aussi différents membres du Transcendental Club qui choisiront de s’installer eux aussi dans la petite ville de Concord.

 

Ses études terminées, il exerce brièvement le métier d’instituteur, mais démissionne, révolté par l’utilisation des châtiments corporels. Il décide alors d’ouvrir une école privée où il applique avec son frère les principes d’éducation progressistes qui lui tiennent à cœur (association des enfants à la discipline, activités d’éveil, promenades en forêt). C’est également à cette époque que Thoreau commence sa découverte de la nature sauvage, d’abord dans le Maine, puis le long des rivières Concord et Merrimack. En parallèle, il fait ses premiers pas dans le domaine littéraire. Essentiellement tourné vers la poésie, il écrit aussi divers articles pour la revue transcendentaliste et publie l’Histoire naturelle du Massachusetts.

À la fermeture de son école, Thoreau effectue un bref séjour à New York, puis rentre à Concord et intègre la fabrique de crayons familiale où il met en place différentes innovations.



L’immersion dans la nature

En 1844, se reprochant d’avoir été involontairement à l’origine d’un incendie, il décide de se retirer en pleine nature pour écrire et s’installe non loin de l’étang de Walden qu’il affectionne particulièrement. Pour concrétiser son idéal – gagner sa vie sans aliéner sa liberté –, il y construit une cabane en bois, et c’est le début d’une aventure de deux ans en totale autarcie qu’il relatera la plus célèbre de ses œuvres :

Walden ou la Vie dans les bois.

 

Walden pond

 

Cette expérience, qui rappelle certains aspects le vie de Jean-Jacques Rousseau, incarne surtout le concept de « sobriété volontaire », un mode vie basé sur une réduction intentionnelle de sa propre consommation qui marque une opposition à la société traditionnelle. Car comme Thoreau le dit lui-même : « Un homme est riche des choses dont il peut se passer ».



Le refus des injustices

En 1848, pour dénoncer l’intervention américaine au Mexique et l’immoralité d’un état dont la prospérité repose en partie sur le maintien de l’esclavage, Thoreau refuse de payer ses arriérés d’impôt. Sa dette étant finalement réglée par un proche, il n’est incarcéré qu’une journée.

Thoreau ne s’impose en effet qu’une seule règle : agir en fonction de ce qu’il estime être juste. À la suite de cet incident, il donne une conférence intitulée « Les droits et les devoirs de l'individu en relation avec le gouvernement » qui préfigurera l’écriture de l’ouvrage Résistance au gouvernement civil. Réintitulé après sa mort La Désobéissance civile, ce livre traite de l’emploi de la résistance passive comme moyen de protestation.

Thoreau avait déjà organisé une réunion antiesclavagiste dans sa cabane en 1846. En 1851, passant de la parole aux actes, il aide des esclaves à fuir le pays pour rejoindre le Canada.

En juillet 1854, dénonçant l’application de la Loi sur les Esclaves fugitifs qui permet aux un états antiesclavagistes d’extrader les esclaves qui s’y sont réfugiés, il donne une conférence intitulée L’esclavage dans le Massachusetts.

En 1858, il soutient publiquement l’abolitionniste John Brown qui a été arrêté pour avoir tenté d’organiser une insurrection. Lorsque celui-ci est exécuté, il rédige un éloge funèbre intitulé « Le Martyre de John Brown » et en donne la lecture dans plusieurs villes environnantes.



Une curiosité insatiable

Thoreau, qui a exercé les professions d’arpenteur et de géomètre expert, a pour habitude d’effectuer de longues promenades dans la nature. Dans son journal et dans différents carnets, il consigne de nombreuses observations sur la botanique, la faune et la flore des environs de Walden. Il s’en servira pour rédiger différents ouvrages comme Pommes Sauvages – un livre qui s’intéresse aux causes de la disparition de certaines variétés de pommes de la région de Concord – où encore La Succession des arbres en forêt, dans lequel il démontre que l’accroissement de la rentabilité des forêts n’est pas contradictoire avec la possibilité et la nécessité de les préserver.

Il est curieux de tous les phénomènes naturels – géologie, hydrologie, météorologie – dont il essaie de percer les mystères, mais sa connaissance des études de Linné et d’Humbolt le pousse à s’intéresser plus particulièrement à la botanique. Après avoir réalisé plusieurs expéditions dans la péninsule de Cape Cod et dans le Maine dont il est fasciné par la nature sauvage, il s’intéresse au Minnesota, à la région des Grands Lacs, à celles de Détroit, de Chicago, ou encore de Milwaukee, prenant une multitude de notes qui serviront à la réalisation d’un grand nombre de travaux publiés essentiellement après sa mort, survenue en 1862, comme Les Forêts du Maine (1864) ou Cape Cod (1865).

Ses récits de voyage conjuguent un regard empreint de poésie et une représentation idéalisée de la nature avec une approche scientifique caractérisée par l’exactitude des descriptions. Ils sont également l’expression d’une réflexion philosophique qui oppose les vertus de la nature aux pièges d’une société essentiellement basée sur la consommation. À ce titre, Thoreau peut donc être considéré comme l’inspirateur des différents courants écologistes.



Une source d’inspiration

Il est indéniable que les écrits de Thoreau ont connu un grand retentissement posthume. En France, Jean Giono est séduit par le concept de désobéissance civile et Romain Rolland envisage un moment de traduire les œuvres de Thoreau, sans pour autant mettre son projet à exécution. En Russie, Léon Tolstoï franchit le pas et traduit La désobéissance civile dans sa langue maternelle.

En Inde, Gandhi, dont la pratique de l’ascétisme est partiellement inspirée de la sobriété volontaire, met en pratique le concept de résistance passive dans son combat contre la domination britannique. Aux États-Unis, Martin Luther King y a également recours dans sa lutte pour les droits civiques.

Il n’est donc pas exagéré d’affirmer que les pensées de cet idéaliste aux multiples talents ont connu un retentissement international qui a favorisé l’apparition de divers courants, pacifistes, écologistes, minimalistes et non violents.



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23/05/2022
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