La goutte d'eau
« Petits Dialogues d’hier et d’aujourd’hui »
(chapitre La guerre)
« La guerre ne se décide pas sur le champ de bataille, dans le désert où se déroulent les conséquences inévitables d’un autre champ de bataille, invisible à l’œil de l’homme. Et c’est celui-là qui importe :
Là, chacun de mes sourires confiants,
mine les projets de la haine meurtrière.
Là, chacune de mes pensées constructives
diminue les forces destructrices.
Là, chacune de mes demandes pour la paix
atténue les feux de la guerre.
Là, par contre, chaque émotion négative
ouvre grand la porte à l’envahisseur
Nous qui vivons aujourd’hui, nous n’assistons pas par hasard à cette guerre dans le désert ; non chacun de nous est le guerrier responsable du grand équilibre historique.
Donc, je ne suis pas la victime impuissante des événements extérieurs, mais peut-être bien la goutte d’eau toute puissante qui décidera de la vie ou de son anéantissement.
Qui parmi nous est conscient de sa toute-puissance ?
Là pourtant commence la responsabilité de l’Homme. »
Gitta Mallasz
Le contexte :
Margit Eugénia Mallász (21.06.1907-25.05.92) naît à Camiole en Autriche-Hongrie. À l’école des Arts décoratifs, elle se lie d’amitié avec une autre étudiante, Hanna Dallos. Plus tard, elle travaillera comme graphiste avec Hanna et son époux Joseph Kreutzer.
Dans une Hongrie où l’antisémitisme fait rage, Gitta (chrétienne) et Hanna, Joseph et Lili Strausz (juifs) échangent régulièrement sur le sens à donner leurs existences.
En juin 1943, au cours de l’une de ces discussions, Gitta déclare soudainement que ses propos, qui seront repris plus tard dans le livre Dialogues avec l’ange, n’émanent pas d’elle et qu’elle ne fait que les transmettre à Hanna. Cette transmission durera 17 mois.
En 1947, Hanna, josef et Lili sont déportés à Ravensbruck d’où ils ne reviendront pas.
Des valeurs communes :
Pratiquant le bouddhisme, j'ai été frappée de constater que ce texte illustre et met en lumière différents concepts bouddhiques avec une clarté stupéfiante.
On y trouve tout d’abord le lien profond qui existe entre chaque individu et son environnement. En effet, pour les bouddhistes que nous sommes, à chaque instant une vie pénètre l’univers et influence tous les phénomènes qui s’y déroulent.
On y retrouve aussi un autre concept fondamental en bouddhisme, celui de la causalité « Nous qui vivons aujourd’hui, nous n’assistons pas par hasard à cette guerre dans le désert ; non chacun de nous est le guerrier responsable du grand équilibre historique. »
Et il y a enfin celui de la mission, c’est-à-dire la façon d’utiliser sa vie en se basant sur une décision très profonde, celle de faire apparaître la force illimitée de l’univers – l’état de bouddha – afin d’accomplir le vœu du bodhisattva : sauver tous les êtres vivants.
J’espère que comme moi vous aimerez ce très beau texte qui nous rappelle l’idéal commun vers lequel devraient tendre les pratiquants des différentes religions.